Empereur L Empire Du Milieu.epub 2021
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Quand il dit que le nom de la femme est tiré de celui de l'homme,qui le comprendra si l'on ne sait que cela est vrai d'après letexte de la Vulgate, virago, et d'après la langue anglaise,woman, ce qui n'est pas vrai en français. Quand il donne à Dieul'empire carré et à Satan l'empire rond, voulant par là faireentendre que Dieu gouverne le ciel et Satan le monde, il faut savoir quesaint Jean dans l'Apocalypse dit: «Civitas Dei in quadroposita.»
«Qu'importe la perte du champ de bataille! tout n'est pas perdu. Unevolonté insurmontable, l'étude de la vengeance, une haine immortelle,un courage qui ne cédera ni ne se soumettra jamais, qu'est-ce autrechose que n'être pas subjugué? Cette gloire, jamais sa colère ou sapuissance ne me l'extorquera. Je ne me courberai point; je ne demanderaipoint grâce d'un genou suppliant; je ne déifierai point son pouvoirqui, par la terreur de ce bras, a si récemment douté de son empire.Cela serait bas en effet: cela serait une honte et une ignominieau-dessous même de notre chute! puisque par le destin, la force desdieux, la substance céleste ne peut périr; puisque l'expérience de cegrand événement, dans les armes non affaiblies, ayant gagné beaucoupen prévoyance, nous pouvons, avec plus d'espoir de succès, nousdéterminer à faire, par ruse ou par force, une guerre éternelle,irréconciliable, à notre grand ennemi, qui triomphe maintenant, etqui, dans l'excès de sa joie, régnant seul, tient la tyrannie duCiel.»
Muse, redis-moi ces noms alors connus: qui le premier, qui le dernierse réveilla du sommeil sur ce lit de feu, à l'appel de leur grandempereur; quels chefs, les plus près de lui en mérites, vinrent un àun où il se tenait sur le rivage chauve, tandis que la foulepêle-mêle se tenait encore au loin.
Alors sur-le-champ il ordonne qu'au bruit guerrier des clairons et destrompettes retentissantes son puissant étendard soit levé. Cetorgueilleux honneur est réclamé comme un droit par Azazel, grandchérubin; il déferle de l'hast brillant l'enseigne impériale, quihaute et pleinement avancée brille comme un météore s'écoulant dansle vent: les perles et le riche éclat de l'or y blasonnaient les armeset les trophées séraphiques. Pendant tout ce temps l'airain sonoresouffle des sons belliqueux, auxquels l'universelle armée renvoie uncri qui déchire la concavité de l'enfer et épouvante au-delàl'empire du Chaos et de la vieille Nuit.
«Trônes et puissances impériales, enfants du ciel, vertuséthérées, devons-nous maintenant renoncer à ces titres, et,changeant de style, nous appeler princes de l'enfer? Car le votepopulaire incline à demeurer ici et à fonder ici un croissant empire:sans doute, tandis que nous rêvons! nous ne savons donc pas que le Roidu ciel nous a assigné ce lieu, notre donjon, non comme une retraitesûre (hors de l'atteinte de son bras puissant, pour y vivre affranchisde toute juridiction du ciel dans une nouvelle ligue formée contre sontrône), mais pour y demeurer dans le plus étroit esclavage, quoique siloin de lui, sous le joug inévitable réservé à sa multitude captive?Quant à lui, soyez-en certains, dans la hauteur des cieux ou dans laprofondeur de l'abîme, il régnera le premier et le dernier, seul roi,n'ayant perdu par notre révolte aucune partie de son royaume. Mais surl'enfer il étendra son empire, et il nous gouvernera ici avec unsceptre de fer, comme il gouverne avec un sceptre d'or les habitants duciel.
Le concile stygien ainsi dissous, sortirent en ordre les puissants pairsinfernaux: au milieu d'eux marchait leur grand souverain, et il semblaitseul l'antagoniste du ciel non moins que l'empereur formidable del'enfer: autour de lui, dans une pompe suprême et une majesté imitéede Dieu, un globe de chérubins de feu l'enferme avec des drapeauxblasonnés et des armes effrayantes. Alors on ordonne de crier au sonroyal des trompettes le grand résultat de la session finie. Aux quatrevents, quatre rapides chérubins approchent de leur bouche le bruyantmétal, dont le son est expliqué par la voix du héraut: le profondabîme l'entendit au loin, et tout l'ost de l'enfer renvoya des crisassourdissants et de grandes acclamations.
«Ô toi qui, couronné d'une gloire incomparable, regardes du haut deton empire solitaire comme le Dieu de ce monde nouveau! toi à la vueduquel toutes les étoiles cachent leur têtes amoindries, je crie verstoi, mais non avec une voix amie; je ne prononce ton nom, ô soleil! quepour te dire combien je hais tes rayons! Ils me rappellent l'état dontje suis tombé et combien autrefois je m'élevais glorieusementau-dessus de ta sphère.
«Mais supposez qu'il soit possible que je me repente, que j'obtiennepar un acte de grâce mon premier état, ah! la hauteur du rang feraitbientôt renaître la hauteur des pensées: combien serait rétractévite ce qu'une feinte soumission aurait juré! L'allégement du maldésavouerait comme nuls, et arrachés par la violence, des vœuxprononcés dans la douleur. Jamais une vraie réconciliation ne peutnaître là où les blessures d'une haine mortelle ont pénétré siprofondément. Cela ne me conduirait qu'à une pire infidélité, et àune chute plus pesante. J'achèterais cher une courte intermissionpayée d'un double supplice. Il le sait celui qui me punit; il est aussiloin de m'accorder la paix que je suis loin de la mendier. Tout espoirexclus, voici qu'au lieu de nous rejetés, exilés, il a créé l'homme,son nouveau délice, et pour l'homme ce monde. Ainsi, adieu espérance,et avec l'espérance, adieu crainte, adieu remords! Tout bien est perdupour moi. Mal, sois mon bien: par toi au moins je tiendrai l'empiredivisé entre moi et le Roi du ciel; par toi je régnerai peut-être surplus d'une moitié de l'univers, ainsi que l'homme et ce monde nouveaul'apprendront en peu de temps.»
Satan poursuit sa route et approche de la limite d'Éden. Le délicieuxparadis, maintenant plus près, couronne de son vert enclos, comme d'unboulevard champêtre, le sommet aplati d'une solitude escarpée;les flancs hirsutes de ce désert, hérissés d'un boisson épais,capricieux et sauvage, défendent tout abord. Sur sa cime croissaient àune insurmontable hauteur les plus hautes futaies de cèdres, de pins,de sapins, de palmiers, scène sylvaine; et comme leurs rangssuperposent ombrages sur ombrages, ils forment un théâtre de forêtsde l'aspect le plus majestueux. Cependant, plus haut encore que leurscimes montait la muraille verdoyante du paradis: elle ouvrait à notrepremier père une vaste perspective sur les contrées environnantes deson empire.
«Je cherche à contracter avec vous une alliance, une amitié mutuelle,si étroite, si resserrée, qu'à l'avenir j'habite avec vous, ou quevous habitiez avec moi. Ma demeure ne plaira peut-être pas à vos sensautant que ce beau paradis; cependant telle qu'elle est, acceptez-la;c'est l'ouvrage de votre Créateur, il me donna ce qu'à mon tourlibéralement je donne. L'enfer, pour vous recevoir tous les deux,ouvrira ses plus larges portes, et enverra au-devant de vous tous sesrois. Là vous aurez la place que vous n'auriez pas dans ces enceintesétroites, pour loger votre nombreuse postérité. Si le lieu n'est pasmeilleur, remerciez celui qui m'oblige, malgré ma répugnance, à mevenger sur vous qui ne m'avez fait aucun tort, de lui qui m'outragea. Etquand je m'attendrirais à votre inoffensive innocence (comme je lefais), une juste raison publique, l'honneur, l'empire que ma vengeanceagrandira par la conquête de ce nouveau monde, me contraindraient àprésent de faire ce que sans cela j'abhorrerais, tout damné que jesuis.»
«Unique compagne qui seule partages avec moi tous ces plaisirs et quim'es plus chère que tout, il faut que le pouvoir qui nous a faits, etqui a fait pour nous ce vaste monde, soit infiniment bon, et qu'il soitaussi généreux qu'il est bon et aussi libre dans sa bonté qu'il estinfini. Il nous a tirés de la poussière et placés ici dans toutecette félicité, nous qui n'avons rien mérité de sa main, et qui nepouvons rien faire dont il ait besoin: il n'exige autre chose de nousque ce seul devoir, que cette facile obligation; de tous les arbres duparadis qui portent des fruits variés et délicieux, nous ne nousinterdirons que l'arbre de science, planté près de l'arbre de vie; siprès de la vie croît la mort! Qu'est-ce que la mort? quelque chose deterrible sans doute; car, tu le sais, Dieu a prononcé que goûter àl'arbre de science c'est la mort. Voilà la seule marque d'obéissancequi nous soit imposée, parmi tant de marques de pouvoir et d'empire ànous conférées, et après que la domination nous a été donnée surtoutes les autres créatures qui possèdent la terre, l'air et la mer.Ne trouvons donc pas rude une légère prohibition, nous qui avonsd'ailleurs le libre et ample usage de toutes choses, et le choixillimité de tous les plaisirs. Mais louons Dieu à jamais, glorifionssa bonté; continuons, dans notre tâche délicieuse, à élaguer cesplantes croissantes, à cultiver ces fleurs; tâche qui, fût-ellefatigante, serait douce avec toi.»
«Mais Satan avec ses forces était déjà avancé dans sa courseailée: armée innombrable comme les astres de la nuit, ou comme cesgouttes de rosée, étoiles du matin, que le soleil convertit en perlessur chaque feuille et sur chaque fleur. Ils passèrent des régions,puissantes régences de séraphins, de potentats et de Trônes, dansleurs triples degrés, régions auxquelles ton empire, Adam, n'est pasplus que ce jardin n'est à toute la terre et à toute la mer, au globeentier étendu en longueur.
«Enfin, loin à l'horizon du nord se montra, d'une extrémité àl'autre, une région de feu, étendue sous la forme d'une armée.Bientôt en approchant apparurent les puissances liguées de Satan,hérissées des rayons innombrables des lances droites et inflexibles;partout casques pressés, boucliers variés peints d'insolentsemblèmes: ces troupes se hâtaient avec une précipitation furieuse,car elles se flattaient d'emporter ce jour-là même, par combat ousurprise, le mont de Dieu, et d'asseoir sur son trône le superbeaspirant, envieux de son empire; mais, au milieu du chemin leurspensées furent reconnues folles et vaines. Il nous sembla d'abordextraordinaire que l'ange fît la guerre à l'ange, qu'ils serencontrassent dans une furieuse hostilité ceux-là accoutumés à serencontrer si souvent unis aux fêtes de la joie et de l'amour commefils d'un seul maître, et chantant l'éternel Père; mais le cri de labataille s'éleva, et le bruit rugissant de la charge mit fin à toutepensée plus douce. 2b1af7f3a8